Alors, à quoi je ressemble ? Hm. C’est compliqué. On ne résume pas un chef-d’œuvre en trois coups de pinceau… mais essayons.
Je suis de taille moyenne, assez pour passer inaperçu si j’en ai envie, assez pour qu’on me remarque si je décide de briller.
Mon corps est fait pour se faufiler, esquiver, danser plutôt que frapper. J’ai l’allure d’un funambule, pas d’un chevalier.
Mon visage ?
Anguleux. Fin. Une mâchoire que certains trouvent trop assurée, et des pommettes taillées pour les ombres. Mon sourire est plus fréquent que ma colère, mais il cache souvent des pensées bien plus tranchantes que mes sorts
Mes yeux…
Clairs. Trop clairs. Gris pâle, presque argentés, comme si je regardais le monde à travers un voile — ou comme si je le regardais d’un plan parallèle. J’aime qu’ils déstabilisent. C’est utile pour faire douter.
Mes cheveux sont noirs de base, mais j’y ai ajouté quelques… caprices. Des mèches violacées, bleutées, parfois magenta. Parfois, elles changent légèrement de teinte selon l’éclairage ou mon humeur. Magie. Et vanité.
Tu voulais une description honnête ? Voilà.
Mais souviens-toi d’une chose : même si je me tiens devant toi…
…tu ne peux jamais être certain que tu me vois vraiment.
Certains disent que mon ombre bouge parfois seule. Ils ont raison. D’autres disent que je n’ai jamais la même tête d’un jour à l’autre. Ils ont tort. J’ai juste… plusieurs versions de moi. Et toutes sont vraies.
Ma tenue ? Disons que je refuse de ressembler à un bureaucrate en robe. Je porte un long manteau bleu nuit, brodé de constellations, d’arabesques, de symboles codés… qui bougent légèrement quand personne ne les regarde. Ma tunique est ajustée, violette foncée, pratique mais excentrique, comme tout ce que je suis. Ma broche — celle de ma mère — change subtilement de couleur. Ce n’est pas un accessoire : c’est un morceau d’âme.
Je suis charmeur, souvent. Arrogant, parfois. Mais surtout, inlassablement libre. Je parle trop, je plaisante quand il ne faut pas, je déteste les ordres… mais j’écoute. Mieux que la plupart. Je suis loyal, mais pas aveuglément. Je suis protecteur, mais je le cache derrière des sarcasmes. Je suis curieux à m’en rendre malade, ce qui m’a déjà mis dans des situations délicates… et dangereusement intéressantes. Je déteste l’ennui. Je hais les dogmes. Et je ne supporte pas ceux qui croient que tout est figé.
Je veux qu’on puisse vivre sans s’excuser d’être étrange, brillant, instable, ou décalé. Je veux créer des illusions plus vraies que ce que les puissants appellent “réalité”. Je veux faire de ma magie un refuge pour ceux qui n’en ont pas. Un miroir déformant qui montre ce que les gens refusent de voir. Une arme subtile contre ceux qui pensent pouvoir imposer leur ordre au monde. Et plus égoïstement… Je veux qu’un jour, quelqu’un me dise : “Je croyais être seul, puis je t’ai vu, toi. Et j’ai su qu’on pouvait exister autrement.” Je cherche ma place. Pas dans un trône. Pas dans une tour. Juste… auprès de gens qui voient le monde comme un terrain de jeu dangereux, mais magnifique.
“Il ne promettait jamais rien. Il apparaissait, il souriait, il disparaissait. C’était un homme libre, un fantôme élastique, un voleur de profession mais surtout… un voleur d’attention. Tu pensais l’avoir saisi ? Il avait déjà vidé la pièce.”
Je crois qu’il est encore en vie.
“Elle ne lançait pas des sorts. Elle racontait des histoires qui bougeaient, qui respiraient. Des contes qu’on pouvait toucher. Elle faisait apparaître des soleils dans les caves les plus sombres. Elle disait : ‘On ne ment pas, on enjolive’. Elle n’a jamais su se défendre. Juste nous faire croire que tout allait bien. Jusqu’au jour où elle n’a plus rien fait du tout.”
”
Elle est mon idée de la magie.
Je ne sais pas si elle est morte. Peut-être qu’elle a fui. Peut-être qu’elle a été prise. Peut-être qu’elle est encore là, cachée dans un repli du réel, en train de me regarder faire mieux qu’elle n’a jamais pu.
Sencar est le seul adulte à m’avoir regardé comme un égal, pas comme un danger ou un phénomène.
Il m’a appris la discipline dans le chaos, ce que je déteste reconnaître… mais qui m’a sauvé plus d’une fois.
“Nira… elle était moi, mais dans un miroir brisé. Plus brillante que moi, et plus perdue. On a ri, volé, joué… et puis on s’est trahis sans vraiment le vouloir.”
“Elle a vendu un de mes sorts pour survivre. J’ai saboté l’un de ses numéros en public, par orgueil. On s’est quittés sur une illusion : elle pleurait. Mais je ne suis pas sûr que c’était vrai.”
“Si je la recroise, je ne sais pas si je l’embrasse ou si je lui casse le nez. Peut-être les deux.”
Elle m’a appris que l’illusion peut aussi masquer la douleur qu’on se fait soi-même.
Et que l’amour, parfois, n’est qu’un sort à durée limitée.
🎙️ Monologue de Silvaren Vex – “Pourquoi je suis là”
(Il s’assoit, pose son manteau sur le dossier d’une chaise, regarde une illusion de flamme qui flotte au creux de sa paume… puis parle sans vraiment regarder personne.)
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Tu veux savoir ce que je fous ici ?
Pourquoi un illusionniste ex-académicien avec une gueule de théâtre ambulant a décidé de risquer sa peau avec une bande de mercenaires aux bottes crottées ?
Très bien. Je vais te le dire. Une fois.
Je ne suis pas un héros. Je n’ai pas une prophétie tatouée sur le dos ni une lame magique transmise par mon arrière-grand-oncle demi-dragon.
Je suis né dans la poussière, entre une arnaque bien ficelée et un sort d’invisibilité mal maîtrisé.
Ma mère me faisait croire qu’on vivait dans un palais en ruines. Mon père me faisait croire qu’on n’avait jamais été poursuivis.
Moi, je les ai crus.
Puis j’ai compris. Et j’ai décidé que si le monde voulait me mentir, j’allais lui mentir en retour. Mais mieux. Et avec style.
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Je suis allé à l’Académie parce qu’on m’a dit que la magie avait des règles.
Je suis parti — ou plutôt, on m’a mis dehors — parce que j’ai prouvé que c’était faux.
Ce que je fais, ce n’est pas que des illusions. C’est de l’art de guerre psychologique. De la poésie dissimulée dans le mensonge. Du feu d’artifice au milieu de l’ennui.
Et ensuite ? J’ai erré. Joué des rôles. Survécu.
Mais survivre tout seul, c’est comme lancer un sort dans le vide. Ça brille une seconde, puis ça disparaît.
Alors j’ai observé Ravel. Vous.
Et j’ai vu quelque chose que je croyais disparu :
des gens qui se battent pour quelque chose. Pas pour une bannière. Pas pour une hiérarchie. Pour les autres, autour. Par choix.
Ça, je n’ai jamais eu.
Alors me voilà.
Je ne suis pas loyal par nature, mais si je vous choisis… je vous couvre. Jusqu’au bout.
Je ne suis pas stable, mais je suis brillant. Et utile. Et je vous promets que vous n’avez encore rien vu.
Je ne suis pas là pour faire joli.
Je suis là pour faire mentir ceux qui croient que le monde est figé.
Et s’il faut mourir pour ça un jour… j’aimerais mieux le faire avec des gens qui comprennent pourquoi.
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(Il écrase la petite flamme flottante entre ses doigts, sans se brûler. Sourit.)
Alors ?
Je vous conviens, ou il faut que je fasse apparaître un dragon pour convaincre ?