Veldra est un Samsaran au visage fermé, marqué par le silence plus que par la froideur. Sa peau, d’un bleu pâle presque lunaire, semble émettre une lueur subtile dans certaines lumières, mais elle est irrégulière : le long de sa mâchoire, de son cou et jusqu’à la base de son oreille, elle est partiellement couverte de plaques minérales et d’excroissances cristallines bleutées, comme si son corps portait les traces d’un phénomène surnaturel mal compris, ou d’une maladie figée dans le temps.
Ses yeux gris pâle, légèrement enfoncés sous des arcades marquées, donnent à son regard une intensité difficile à ignorer. Ce n’est pas un regard dur, mais profond, souvent distrait, comme tourné vers des souvenirs lointains qu’il serait le seul à percevoir. Ses sourcils bas et son expression constamment sérieuse lui donnent un air préoccupé, mais jamais hostile. Il parle peu, non par mépris, mais parce qu’il juge les mots souvent inutiles.
Ses cheveux sont courts, blanc argenté, hérissés comme s’ils refusaient toute discipline, donnant à sa silhouette un contraste entre rigueur et sauvagerie contenue. Il porte un long manteau sombre, fait d’un tissu épais et usé par les voyages, aux larges revers et aux boutons métalliques qui brillent faiblement sous la lumière. Il ne cherche pas à impressionner, mais tout en lui attire l’attention : une silhouette droite, un port altier, une retenue constante.
Bien qu’il ne sourie que rarement, Veldra ne dégage aucune animosité. Il écoute plus qu’il ne parle, observe plus qu’il n’agit – mais lorsqu’il le fait, c’est toujours avec justesse. On ne sait jamais vraiment ce qu’il pense, mais on devine que chaque silence chez lui a du poids.
Pendant des années, il parcourut le Tian Xia, espérant que les lieux réveilleraient des souvenirs, que quelqu’un reconnaîtrait son visage ou l’un de ses noms oubliés. Mais rien. Le continent tout entier, ses monastères, ses marchés, ses mers brumeuses, ne lui offrit que des énigmes sans réponses. Il décida alors de quitter l’est et de remonter vers l’ouest, vers Avistan, là où la mémoire du monde se concentre : Absalom, la Cité au Centre du Monde.
Pendant un an, il arpenta ses bibliothèques, ses temples, ses ruines souterraines. Il interrogea les sages, observa les passants, dépensa l’essentiel de sa bourse dans des pistes stériles. Rien. Ou trop peu. Les quelques échos de son ancienne vie étaient trop flous, trop lointains. Et Absalom, avec sa foule grouillante et ses secrets trop bien gardés, ne lui offrait plus rien d’autre qu’un lit cher et une table vide.
C’est là qu’il entendit parler de la Guilde de Ravel, un nom qui revenait dans les conversations des aventuriers de passage, souvent avec respect, parfois avec crainte. Une guilde mystérieuse, implantée dans une Varisie lointaine, à la réputation de révéler les talents cachés de ceux qui s’y engagent. Un endroit dangereux, mais où le passé et le destin se croisent. Veldra ne cherche pas la gloire, ni l’amitié, ni même la justice. Il cherche la vérité. La sienne.
Et si cela doit passer par la Guilde de Ravel, alors soit. C’est dans le risque qu’on réveille les âmes endormies.
Veldra ne se souvient jamais vraiment de qui il est. À chaque nouvelle existence, les visages, les noms et les lieux se brouillent, comme des éclats de verre dispersés dans le sable du temps. En tant que Samsaran, il renaît, encore et encore, mais son esprit ne suit pas toujours. Il conserve des bribes, des émotions persistantes, parfois des rêves étrangement vivaces, mais jamais la totalité de ses vies passées.
Sa dernière incarnation remonte à une vingtaine d’années. À l’époque, il était un mage érudit, fasciné par les arcanes de la transmutation et les mystères de l’âme. Prévoyant sa propre fin, il avait mis au point un rituel complexe, mêlant magie ancienne et science alchimique, pour permettre à son corps de se régénérer après deux décennies, là où les courants du destin seraient favorables à sa mémoire. Le rituel réussit — du moins en partie. Son corps réapparut, dans une modeste demeure isolée, adossée aux murs du Paradis, dans l’Empire du Tian Xia… mais son esprit resta embrouillé.
Il apprit à se connaître à nouveau à travers les ouvrages soigneusement rangés dans sa bibliothèque, comme si un autre lui-même lui tendait la main à travers le temps. Il étudia en silence, redécouvrit le monde, la magie, les langues, les poisons et les remèdes. Il se découvrit une véritable passion pour les concoctions alchimiques, passant des heures à créer fioles et extraits, parfois inutiles, parfois prodigieusement puissants. Cela l’amusait, dans ses rares instants d’enthousiasme — car sous son masque de silence, Veldra change radicalement lorsqu’un sujet le passionne. Il devient vif, précis, presque obsédé.